Plus qu’un problème de société, les violences faites aux femmes et aux filles sont un véritable fléau mondial qui prend de plus en plus d'ampleur, car elles ne sont soumises à aucune contrainte frontalière, géographique ou culturelle.
Le combat contre les violences faites aux femmes et aux fille, s’est pourtant progressivement constituée en lettre d’or dans les agendas politiques des pays africains ces dernières années. Numéros verts, ministère de la femme, programmes d’autonomisation financière et d’insertion de la femme dans les décisions politiques… Autant de gages donnés par les pays africains mais qui peinent à se réaliser.
Les formes de violences dont sont victimes les femmes et les filles
Les violences que subissent les femmes et les filles sont la conséquence des inégalités structurelles et sociétales injustement établies entre les hommes et les femmes.
Aussi, la vulnérabilité aux violences basées sur le genre (VBG) chez les femmes pauvres et marginalisées est plus accrue. Or, se fiant aux études de la Banque Mondiale, le Togo est un pays dont l’indice de pauvreté est très élevé, avec 58,8% en milieu rural et 30,7% en milieu urbain.
C'est pourquoi, plus de la moitié des femmes au Togo finissent par être victimes d’au moins une forme de violence au cours de leur vie. Ce qui est énorme quand on sait que la population féminine togolaise s’élève à plus de quatre millions, d’après les chiffres les plus récents de l’INSEED de novembre 2022.
Ces inégalités se déclinent en violences physiques, sexuelles, socioculturelles, économiques, politiques, institutionnelles et structurelles entre autres.
Cependant, nous évoqueront les formes de violences les plus couramment enregistrées au Togo, et plus généralement en Afrique.
Les violences conjugales
C’est paradoxalement dans l’intimité du couple, fondé sur l’amour, que les violences sont les plus importantes et les plus fréquentes. Elles sont perpétrées par un conjoint, un petit ami, un amant, ou ex-conjoint.
Dans la majeure des cas, ces violences sont physiques, et constituent un acte d’agression et d’atteinte à l’intégrité corporelle d’une femme ou d’une fille, pour intention ou conséquence la douleur et/ou une blessure physique.
Battre, brûler, porter des coups de pied, donner des coups de poing, mordre, mutiler, utiliser des objets ou des armes… sont des formes de violences physiques, et qui sont un véritable enjeu dans le domaine de la santé publique.
En dehors des violences physiques, les violences verbales et psychologiques sont sans doute les plus courantes.
Qu’il s’agisse d’insultes, de cries, de dévalorisation, de menaces… la femme souffre de bien des manières dans la vie conjugale.
Dans les couples, les violences économiques sont aussi un enjeu important pour nos sociétés.
Cette violence peut consister par exemple à refuser à la femme de travailler ou à mener une activité génératrice de revenu, à ne pas payer de pension alimentaire, à la rendre solidaire de dettes contractées sans son accord…
Les femmes victimes de violences conjugales ont des droits qui sont malheureusement peu ou inefficacement divulgués. Le REFED travaille continuellement à faire connaître aux femmes et aux filles leurs droits, et s’engage dans l’accompagnement des victimes des violences conjugales.
Les pratiques traditionnelles néfastes
Au rang des pratiques traditionnelles néfastes, nous nous contenterons d’évoquer les plus fréquentes telles que les mutilations génitales féminines (MGF)et les mariages précoces et forcées.
Les mutilations génitales féminines (MGF)
Les MGF désignent toutes les interventions ayant pour but l’ablation partielle ou totale ou tout acte portant atteinte aux organes génitaux féminins pour des raisons non médicales. Au Togo, la mutilation génitale la plus fréquente est l’excision, et est le plus souvent infligée aux filles entre la petite enfance et l’âge de 15 ans, et quelques rares fois, en âge adulte.
Ces pratiques constituent une violation grave des droits fondamentaux de la femme, notamment le droit à la santé, à la sécurité et à la dignité.
Grâce aux différents programmes et sensibilisations mis en œuvre par l’Etat ou par des organismes nationaux ou internationaux, le phénomène de l’excision tend à disparaître. Mais de façon clandestine, cette pratique perdure, surtout dans la région des Savanes.
Mme Zélissa, une jeune femme fulbé de Cinkassé âgée 24 ans nous livre ce poignant témoignage en 2023:
« Ma mère a été excisée dans sa tendre enfance, et a toujours lutté pour que je ne le sois pas. Mon père et mes oncles souhaitaient que je le sois, car pour eux, je devais me conformer à la tradition. Un jour en l’absence de ma mère, quand j’avais 6 ou 7 ans, j’ai été emmenée par mon père dans un village à une cinquantaine de kilomètre de la maison pour soit disant y saluer une tante. A notre arrivée j’ai été maintenue de force par des inconnus et excisée. Je n’oublierai jamais la douleur que j’ai ressentie. Aujourd’hui j’ai du mal à enfanter et je passe parfois des nuits à pleurer. Je promets que si un jour j’avais une fille, jamais elle ne serait victime d’une telle pratique. Le pire, c’est que je sais que cette pratique se poursuit clandestinement, car certains parents y sont très attachés ».
Mariages précoces et forcés
A l’instar des mutilations génitales féminines, les mariages précoces et les mariages forcés sont du fait des facteurs socioculturelles et religieuses qui font toujours loi dans nombre de localités rurales, surtout dans la région des Savanes.
Ces pratiques s’expliquent surtout par la volonté des parents de protéger les filles des risques de déviances sexuelles ainsi que de la crainte des grossesses hors mariage.
Mais il faut aussi marteler que le faible statut social de la femme et de l’enfant et surtout la vulnérabilité économique des parents, font que le mariage précoce et forcé sera encore longtemps d’actualité.
Aussi, la méconnaissance et la non-jouissance effective des droits de l’enfant, la propagation approximative des textes juridiques relatifs aux droits des enfants, et la portée relativement faible des actions de lutte contre ces pratiques constituent-elles des facteurs qui ralentissent le processus d’éradication du mariage forcé et précoce au Togo.
Les violences sexuelles
La violence sexuelle est un terme qui rassemble toutes les formes de violence; qu’elle soit physique, verbale ou psychologique.
Elle va du harcèlement verbal au viol, ainsi que toutes formes de contrainte allant de la pression et de l’intimidation sociale jusqu’à la force physique:
- agression sexuelle,
- exploitation sexuelle,
- prostitution juvénile
- proxénétisme,
y compris les mutilations génitales féminines dont nous avons parlé plus haut.
Peu importe la forme qu’elle prend, de lourdes conséquences sont consécutives à la violence sexuelle, tant pour les victimes et leurs proches que pour la société.
Il est très difficile de se faire une idée de l’ampleur des violences sexuelles et des conséquences qu’elles engendrent dans la société, car au Togo, et beaucoup plus dans les milieux ruraux, le sexe reste tabou.
Et elles sont très peu nombreuses, ces victimes qui osent prendre le risque de prendre la parole et de dénoncer ces actes répréhensibles, de peur d’être des personæ non gratæ dans leur communauté et dans leur famille.
Le non accès des femmes à la propriété foncière
D’après des stéréotypes profondément enracinés dans la tradition, la fille ou la femme n’a pas droit à l’héritage. Une discrimination supplémentaire qui a un impact crucial dans l’accès des femmes au foncier, car la terre reste l’héritage le plus important au Togo.
L’agriculture de subsistance et l’agropastoral constituent les activités fondamentales pratiquées par les habitants du Togo, surtout dans les zones rurales.
Les femmes sont les plus actives et représentent plus de la moitié de la main d’œuvre agricole et ont donc plus de charges quant au bien-être familiale.
Cependant, en milieu rural, moins de 5% des femmes sont propriétaires des terres qu’elles cultivent, car chaque femme exploite la parcelle de son mari. Au décès de ce dernier, la veuve se retrouve sans aucune terre à cultiver pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Le non accès au foncier est une véritables violence socioéconomique faite aux femmes dans toutes les régions du Togo.
Nous avons recueilli ce témoignage de Mme Abiba (41 ans) dans la région des Savanes:
Témoignage
« Mon père possédait énormément de terres, mais je n’en ai pas hérité puisque je suis une femme, et chez nous, les femmes n’héritent de rien. Seuls mes frères ont reçu des terres en héritage. Quand je me suis mariée, j’exploitais les terres de mon mari. Mais il est décédé il y a trois ans. L’année qui a suivi son décès, j’ai continué l’exploitation des terres de mon mari avant que sa famille décide tout revendre. Je me suis retrouvé sans terres è cultiver, avec trois enfants à ma charge. C’est extrêmement difficile pour moi, mais je savais que cela finirait par arriver, puisque nous les femmes, n’avons pas droit à la terre, ni de nos parents, ni de notre mari. »
Que fait le REFED contre la violence faite aux femmes?
Le Réseau de Femme et Développement, fait de la lutte contre les violences basées sur le genre une priorité de son action.
A travers la mise en œuvre de ses différents programmes et projets, et grâce à l’appui de son large réseau de partenaires, le REFED s’assure de la promotion et de la protection des droits des femmes.
Dans le projet « Bâtir un leadership socioéconomique des femmes de la région de Savanes Togo » par exemple, qui jouissait de l’appui de l’USAID, et qui s’est étendu sur neuf mois, 16 jours d’activisme contre les VBG ont été organisé par le REFED dans quatre préfectures de la région des Savanes.
Pendant toute la durée du projet, des causeries éducatives étaient organisées à l’endroit des groupements cibles de femmes de la région des Savanes sur les causes et conséquences des VGB et surtout les mécanismes de défense contre ces pratiques.
A cet effet, le REFED a mis sur pied un comité de gestion des plaintes liées aux VBG auquel toutes les victimes ou leurs proches peuvent s’adresser pour une prise en charge immédiate.
L’organisation a également mis en œuvre pendant deux ans, en partenariat avec AWDF, le projet « Plaidoyer pour le renforcement du droit des femmes à la propriété foncière dans les 04 communes de la Préfecture de Tône » qui a pour objectif de mener des actions concrètes afin de contribuer à l’amélioration du droit à la propriété foncière des femmes et vulgariser les textes de promotion des droits à l’accès des femmes à la terre.
Le REFED ne cesse de multiplier les projets en faveur des femmes, et surtout des femmes vulnérables, et commence à s’intéresser de plus près aux femmes des ethnies minoritaires et aux handicapées.