Dans la région des Savanes, au nord du Togo, les femmes continuent de faire face à d’importantes barrières dans l’accès et le contrôle de la terre, pourtant essentielle à leur autonomisation économique. Pour répondre à cette problématique, l’African Women’s Development Fund (AWDF) a soutenu la mise en œuvre d’un projet crucial porté par le Réseau des Femmes et Développement (REFED) : la formation de 36 parajuristes sur le code foncier et domanial, les 6 et 7 mai 2025 à Dapaong.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du Projet de Renforcement des Droits Fonciers des Femmes dans les quatre communes de la préfecture de Tône, qui vise à garantir un accès plus équitable à la terre pour les femmes et à renforcer leur pouvoir d’agir dans la gouvernance locale.
Un partenariat stratégique au service de l’équité foncière
L’AWDF, organisation panafricaine de financement du mouvement féministe, a permis par son soutien financier la tenue de cette formation essentielle. Grâce à ce partenariat stratégique, le REFED a pu mobiliser 41 participant·es, dont 36 parajuristes communautaires, pour les outiller sur les textes légaux, les mécanismes de prévention des conflits fonciers et les stratégies de vulgarisation du droit.
Dans une région où seulement 2,6 % des femmes accèdent à la terre contre 97,4 % des hommes, l’enjeu est de taille. La formation vise à combler ce déséquilibre structurel en dotant les femmes de compétences juridiques locales, adaptées à leurs réalités et à leurs contextes culturels.
Des modules axés sur l’action communautaire
Pendant deux jours, les parajuristes ont été formés·es à travers trois modules clés :
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Compréhension des conflits fonciers et stratégies de prévention
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Étude approfondie du Code foncier et domanial togolais
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Appropriation des directives volontaires pour une gouvernance foncière équitable
Le REFED a misé sur une approche participative, avec des présentations en PowerPoint, des travaux de groupes, des études de cas concrets, et des témoignages poignants. L’objectif était non seulement de transmettre des savoirs, mais surtout de construire des capacités d’intervention directe dans les communautés.
Le Code foncier au service de l’égalité
L’un des temps forts de la formation a été l’analyse des articles 648 à 655 du Code foncier, qui reconnaissent expressément aux femmes les mêmes droits d’accès à la terre que les hommes. Des dispositions souvent ignorées ou mal appliquées sur le terrain, faute de vulgarisation.
Grâce à la formation, les parajuristes sont désormais capables d’expliquer ces droits, de défendre les femmes victimes de spoliation et de mener des campagnes de sensibilisation communautaire.
Des images ont illustré les conflits de succession, les ventes illégales de terres et la marginalisation des veuves, autant de situations auxquelles les participantes pourront dorénavant répondre de manière informée et structurée.
Témoignages : des vies marquées par l’injustice foncière
Les témoignages entendus lors de l’atelier ont renforcé l’importance de cette initiative. L’une des participantes a raconté comment, après le décès de son mari, sa belle-famille l’a expulsée des terres cultivables, l’obligeant à entamer de longues procédures judiciaires coûteuses. Une autre a partagé l’histoire de sa mère, dépossédée de la terre qu’elle avait pourtant héritée, du seul fait de son sexe.
Ces récits montrent à quel point les inégalités foncières freinent l’autonomisation des femmes et soulignent le rôle crucial que joueront désormais les parajuristes dans la défense des droits des plus vulnérables.
Une stratégie de vulgarisation étendue à toutes les communes
À l’issue de la formation, les parajuristes ont élaboré un plan d’action ambitieux, validé par le REFED, avec le soutien de l’AWDF. Ce plan prévoit des séances de sensibilisation dans toutes les communes de Tône entre mai et décembre 2025. Des activités sont déjà programmées dans des écoles, chez les chefs cantons, et dans les centres communautaires.
Ces campagnes porteront sur le code foncier, mais aussi sur des sujets connexes comme les violences basées sur le genre, l’excision ou l’extrémisme violent, afin d’adopter une approche intégrée du développement local.
Des recommandations porteuses d’avenir
Les participantes ont émis plusieurs recommandations pour renforcer les effets de cette initiative :
- Obtenir un appui financier complémentaire pour les collations communautaires lors des séances de sensibilisation.
- Organiser des formations de recyclage régulières pour maintenir les acquis.
- Créer une synergie d’action avec les Cadres de Dialogue et de Concertation (CPDC)
Le REFED entend intégrer ces recommandations dans ses prochaines actions et mobiliser davantage de partenaires techniques et financiers pour pérenniser cet impact.
Un engagement à long terme pour la justice foncière
Grâce au soutien de l’AWDF, cette formation constitue un jalon essentiel dans le plaidoyer pour une gouvernance foncière inclusive au Togo. Elle témoigne de l’efficacité des partenariats entre bailleurs féministes et organisations locales ancrées dans les réalités communautaires.
En dotant les femmes et les communautés rurales d’outils juridiques adaptés, l’AWDF et le REFED contribuent à bâtir un avenir où la terre ne sera plus une source d’exclusion, mais un levier d’autonomisation et de justice sociale.
La mobilisation continue. Car pour que le droit devienne réalité, il faudra soutenir les para-juristes sur le long terme, évaluer les changements sur le terrain, et surtout, continuer à former et informer les citoyen·nes, jusqu’à ce que plus aucune femme ne soit privée de ses droits fonciers en raison de son genre.